Huit siècles plus tard, la même notion d'epimeleia
heautou apparaît avec un rôle également important
chez Grégoire de Nysse. Il appelle de ce terme le mouvement
par lequel on renonce au mariage, on se détache de la chair
et par lequel, grâce à la virginité du coeur
et du corps, on retrouve l'immortalité dont on avait été
déchu. Dans un autre passage du Traité de la virginité *,
il fait de la parabole de la drachme perdue le modèle du
souci de soi : pour une drachme perdue, il faut allumer la lampe,
retourner toute la maison, en explorer tous les recoins, jusqu'à
ce qu'on voie briller dans l'ombre le métal de la pièce
; de la même façon, pour retrouver l'effigie que Dieu
a imprimée dans notre âme, et que le corps a recouverte
de souillure, il faut « prendre soin de soi-même »,
allumer la lumière de la raison et explorer tous les recoins
de l'âme. On le voit : l'ascétisme chrétien,
comme la philosophie ancienne, se place sous le signe du souci de
soi et fait de l'obligation d'avoir à se connaître
l'un des éléments de cette préoccupation essentielle.
* Grégoire de Nysse, Traité de la virginité
(trad. Michel Aubineau), Paris, Éd. du Cerf, coll. «
Sources chrétiennes », no 119, 1966, pp. 411-417 et
422-431.